Article paru initialement dans le Trait d'Union, revue de la Branche Française d'Air Britain, en juillet-août 2002, n°204
Mis en ligne avec l'autorisation de l'auteur Jean-Pierre DUBOIS
Texte rédigé en 2002 - depuis publication, la recherche sur le sujet se poursuit, notamment dans le cadre des travaux de ARDHAN

AVION MONOMOTEUR D'ENTRAÎNEMENT

HISTORIQUE

Développement et carrière de l'appareil

Ligne d'assemblage des MS.733 à Tarbes, avec au premier plan le nº180 destiné à l'Aéronautique navale. (©Coll. Jean Delmas)Le développement du Morane-Saulnier MS.733 Alcyon, remonte à 1949, lorsque la firme Morane Saulnier répondit à un marché d'État pour un avion d'entraînement pour satisfaire les besoins de l'Armée de l'air et de la Marine. Le prototype effectue son premier vol le 11 août 1949 sous le désignation MS.730-01. La motorisation de 180 ch ne satisfaisant pas aux exigences des autorités militaires, un nouveau prototype désigné MS.731 avec un moteur Argus de 240 ch est fabriqué. En 1951, un troisième prototype avec moteur Potez 6D de 240 ch et train escamotable, le MS.732 est testé. Le 16 avril 1951, le MS.733, inspiré du MS.732, effectue son premier vol. L'Armée de l'air et la Marine passent commande de respectivement 155 et 40 appareils. Une quinzaine furent exportés au Cambodge, grâce au faible coût à l'achat de l'avion.

 

Quarante Morane 733 pour l'Aéronautique navale (1957-1975)

Vers le milieu des années 1950, l'Aéronautique navale dispose d'une filière très complète pour former son personnel volant. Les formations écoles, des escadrilles numérotées dans la série 50, sont au nombre de neuf :
-Escadrille 50.S : initiation des élèves de l’École Navale au domaine aéronautique.
-Escadrille 51.S (Khouribga, Maroc) : école de pilotage de début sur Stampe SV-4C.
-Escadrille 52.S (Khouribga, Maroc) : école de pilotage de transition avec des Nord 1002 et des SNJ.
-Escadrille 53.S : spécialité hydravions.
-Escadrille 54.S : spécialité aviation embarquée.
-Escadrille 55.S : spécialité multimoteurs.
-Escadrille 56.S : école du personnel volant non-pilote.
-Escadrille 57.S : spécialité chasse puis réacteur.
-Escadrille 58.S : spécialité hélicoptères.
La Marine souhaite alors renouveler et moderniser son parc d’avions d’école de début. Le Nord 1002 largement utilisé par la Marine (près de 90 exemplaires réceptionnés entre 1945 et 1951) est un appareil ancien, conçu jadis par Messerschmitt. Or l’état-major français a émis en 1948 un programme pour un avion d’entraînement : le prototype Morane-Saulnier 730 apparu en 1949 répond à ces attentes. Des motorisations successives aboutissent à la version MS.733 dont le premier vol a eu lieu le 25 septembre 1951, qui est propulsée par un Potez 6D-02 de 240 Ch.
L’Aéronautique navale s’intéresse rapidement au Morane 733 qu’elle commande à 40 exemplaires en 1955. 70 moteurs Potez sont acquis simultanément. La tranche Marine succède aux 159 avion déjà produits, et conclut pratiquement la production de l’avion avec les numéros de série 160 à 199, les deux derniers (n°200 et 201) étant des appareils de l’État qui passeront au registre civil en 1964.
Les premiers MS.733 du marché (n°160 et 161) sont livrés à l’Aéronautique navale le 17 janvier 1957. Les autres suivront avec régularité tout au long de l’année. Les deux derniers sont pris en compte dans les premiers jours de l’année 1958.
Le nom d’Alcyon attribué officiellement à l’avion par l’industriel et l’Armée de l’air reste inconnu des marins qui, comme ils l’ont fait précédemment Morane 500 et 502, appellent l’avion tout simplement « Morane 733 » (et, par écrit, « MS.733 », et souvent, moins réglementairement, « MO-733 »).

Escadrilles 3.S (1961-1967)
La 3.S basée à Cuers-Pierrefeu ajoute l’avion à son plan d’armement à partir de 1961. Elle alignera régulièrement une dizaine d’appareils de ce type pour faciliter l’entretient VSV (Vols Sans Visibilité), le vol de nuit et la navigation de pilotes nombreux dans le midi de la France. En 1963, un appareil est détaché sur la nouvelle base de Nîmes-Garons. Le retrait du Morane de la 3.S intervient en 1967 lorsque l’escadrille déménage à Hyères.

Escadrille 10.S (1963-1973)
Le MS.733 nº188 à Fréjus-Saint-Raphaël. (©Coll. Jean Delmas)Quant à l’escadrille 10.S, implantée sur la BAN de Fréjus-Saint-Raphaël, elle reçoit à son tour des Morane qu’elle va conserver en petit nombre pendant une douzaine d’années.
Ils y sont utilisés comme appareils de liaison, très utiles pour le CEPA.
Mais ils ont également une discrète fonction d’instruction, ou plutôt d’initiation pour les élèves de l’École de Maistrance de l’Aéronautique Navale et ceux du Cours Préparatoire de l’Aéronautique Navale présents à Fréjus-Saint-Raphaël.

Escadrille 11.S (1962-1964)
Les MS.733 Alycon sont livrés à l'escadrille 11.S de la BAN Dugny-Le Bourget en juin 1962. Ils réalisent les entraînements sur piste depuis la BAN des Mureaux en raison de l'important trafic de la BAN de Dugny-Le Bourget. Les quatre avions sont retirés du service en 1964.

La première : l'escadrille 51.S (1957-1961)
La 51.S est la première destinataire : sur les 21 Morane qui lui sont bientôt destinés, elle met en service deux exemplaires en février, 5 en avril, 12 en juin et…en alignera 27 au mois d’octobre. Le plan d’armement de la 51.S étant rapidement honoré, les 18 Stampe SV-4C sont promptement retirés du service. Ils iront finir leur carrière à Lanvéoc-Poulmic. Quant aux 15 Nord 1002 de la 52.S, ils sont dispersés comme avions de servitude en Métropole et Afrique du Nord. Un alignement de Morane 733 à la 51.S de Khouribga vers 1960. (©Collectin Leduc, origine Roan o(document ARDHAN))Les premiers stagiaires 51.S promis au nouvel avion-école arrivent à Khouribga en juin 1957 après avoir suivi 20 heures de vol de dégrossissage sur des Morane 733 de l’École de l’air à Salon. Le Morane est bien vite apprécié. Il est apte à la voltige en biplace, tout en étant un authentique triplace pour des vols de liaison. De robustes patins sous le ventre limitent les dégâts si l’avion doit se poser sur le ventre, ou si un élève rentre le train trop tôt…ou néglige de le sortir à l’atterrissage. Les Morane 733 initialement prévus pour la 52.S sont tous affectés à la 51.S.
Ce qui lui vaut un parc imposant de 30 SNJ et d’environ 25 à 30 Morane, tandis que la 52.S, dissoute, disparaît, le 1er octobre 1957. Le Morane devient l’appareil standard de pilotage de début de la Marine et la 51.S finira par en aligner trente exemplaires simultanément, tout en demeurant utilisatrice unique de ce modèle jusque vers 1961. Durant ces longues années d’utilisation intensive en école, il n’y a que deux accidents mortels à déplorer, et encore l’avion lui-même n’est pas en cause. Le premier eut lieu le 13 septembre 1960 ; le MS.733 n°185 faisait un exercice d'approche en 360°, départ 1.500 pieds verticale entrée de piste, lorsqu'une patrouille à quatre de l'escadrille 57.S sur CM.175 Zéphyr annonça se présenter au break. Le contrôle ordonna au MS.733 de remonter. Sans doute l'élève aux commandes du Morane ne s'éxécuta pas assez vite et d'autre part le N°4 de la patrouille tira sans trop sur le manche alors que l'appareil n'était pas assez incliné et il amorça un brusque virage en montant et avec son aile droite arracha le moteur du Morane. Le Zéphyr passa sur le dos, s'écrasa et explosa en 1 seconde. L'élève (Biaux) pilote aux commandes et son instructeur, en place arrière, furent tués. A bord du Morane qui ne s'est pas écrasé tout de suite l'élève, le Matelot Maurice Super (il n'avait pas 20 h de vol) complètement tétanisé n'a pas sauté malgré les efforts de son instructeur qui finalement a sauté seul. Le second accident a eu lieu le 10 janvier 1961, lorsque le MS.733 n°166 se crashe ; le Mt pilote Michel Bosson est tué (évacuation à trop basse altitude).
A la 51.S, les Morane utilisent les codes « CU » à « CY » et la série « ZA » à « ZY ».
A la suite d’un regroupement des formations de pilotes avec l’Armée de l’air, l’École de pilotage ab initio est à son tour dissoute le 1er avril 1961, alors que les Morane 733 de la 51.S ont accumulé près de 35.000 heures de vol en cinq ans.

Identités alphabétiques
N° de série Morane 733
Remarques
ZA
ZB
ZC
ZD
ZE
ZF
ZG
ZH
ZI
ZJ
ZK
ZL
ZM
ZN
ZO
ZP
ZQ
ZR
ZS
ZT
ZU
ZV
ZW
ZX
ZY
ZZ
160
161
162
163
165
166
167
168
169
Néant
171
172
173
174
175
178
179
180
181
182
183
164
185
186
170
Néant
Appareil absent début 1960
Appareil absent fin 1959
Appareil absent début 1960

Appareil absent début 1960
Appareil absent fin 1959
Appareil absent début 1960

Appareil absent début 1960
Néant


Peint "T". Absent début 1960

Appareil absent fin 1959. De retour début 1960
Néant

BN
CU
CV
CW
CX
CY
Néant
Néant
Néant
188
191
192
Un "BN" apparaît fin 1959. N'est plus attesté ensuite.
Mais un "CU" attesté dernier trimestre 1959.
Mais un "CV" attesté dernier trimestre 1959.
Appareil absent fin 1959.


La marque "ZJ" ne semble pas avoir été adoptée pour éviter sans doute toute confusion avec le Zoulou-India ? Une autre marque, "ZZ", n'a pas été attribuée. On se perd en conjectures sur le cas isolé du "BN" attesté uniquement en novembre 1959.
Les séries "ZA/ZY" et "CU/CY" sont maintenues courant 1960, plus largement "trouées" cependant.
On notera que l'appareil qui illustre l'article précédent (TU n° 204, page 35) n'arbore qu'une seule lettre, "T", alors qu'on attendrait "ZT".
Enfin, la pour le début de l'année 1961 reste à faire.

Section Liaison du Maroc (SLM) (1961)
En 1961, la Section de Liaison du Maroc (SLM), qui disposait d'un exemplaire détaché de la 51.S depuis deux ans, reçoit un Morane 733 qui lui est brièvement attribué en propre. L'affectation est simplifiée par le fait que le parc du volant de réserve est à Casablanca. Mais l'implantation marocaine des Morane 733 touche à sa fin : à cette époque les mesures sont prises pour transférer le stockage des appareils du volant de réserve sur l'hydrobase de Saint-Mandrier, en face de Toulon, tandis que la 51.S disparaît.

Section des Vols Sportifs (SVS) (1967-1974)
Alignement de 5 des 10 MS.733 de la SVS de Brest sur l'aérodrome de la Baule lors de la croisière d'été de juillet 1971. (©Claude Petit)En 1967, le Morane est affecté à la Section des Vols Sportifs de l'École Navale (SVS) à la BAN Lanvéoc-Poulmic. Cette section a pour mission de susciter chez les élèves des vocations pour l’Aéronautique navale.
Elle reçoit seulement des volontaires qui, en dehors de leurs études, passent leur brevet de pilotage.
Constituée d’une douzaine d’appareils, dont l’un est détaché au CEAN de Rochefort, la SVS reprend une heureuse tradition, celle de la croisière aéronautique annuelle de l’ancienne 50.S. Sous le nom de corvette aérienne d’été, 10 appareils effectuent chaque année un mini tour de France touristique ou du moins du littoral atlantique.
En six ans, les Morane 733 ont effectué 8.600 heures de vol, effectué 29.568 atterrissages, et surtout effectué 82 lâchers de nouveaux pilotes. Toujours à Lanvéoc-Poulmic, les onze épaves sont mises en vente aux Domaines en septembre 1975.


sources - remerciements :
"Les commandements de l'Aéronautique Navale (1912-2000)" ; Major Norbert Desgouttes ; ARDHAN - 2001
"L'Aéronautique Navale à Fréjus-Saint-Raphaël" ; CA Jean Corret ; ARDHAN - 1995
"Le Matériel Volant de l'Aéronautique navale - 12" - Jean-Pierre Dubois - Trait d'Union nº204 - juillet-août 2002
Jean-Pierre DUBOIS
"50 ans d'Aviation Navale à Dugny-Le Bourget (1955-2005)" ; CF Alain Quentric ; ARDHAN - 2005.

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